Par Thierno Bah – Spécialiste des politiques de formation professionnelle et de la transformation des compétences en Afrique
Alors que les écosystèmes économiques africains s’ouvrent à de nouveaux marchés, adoptent des technologies de rupture et intègrent des logiques de performance globale, la formation professionnelle n’est plus un luxe mais un vecteur stratégique de compétitivité. De Nairobi à Dakar, de Casablanca à Johannesburg, les entreprises réorganisent leurs dispositifs de formation autour de plusieurs axes structurants.
Quelles sont les tendances de la formation professionnelle continue en Afrique en 2026. Petit tour d’horizon
1. L’irruption de l’intelligence artificielle et des compétences data
L’économie de la donnée n’est plus une projection : elle est déjà là. Pour rester dans la course, les entreprises africaines doivent se doter de compétences pointues dans les domaines du machine learning, du traitement de la donnée, de la visualisation avancée et des outils d’intelligence artificielle générative.
Microsoft ne s’y est pas trompé : son initiative lancée en Afrique du Sud vise à former 1 million de personnes d’ici 2026à ces nouveaux outils, en s’appuyant sur un réseau de partenaires technologiques et académiques. ( Source)
Quels besoins pour les entreprises ?
- Compétences en Python, SQL, Power BI, Excel avancé
- Maitrise des outils no-code / low-code (Power Automate, ChatGPT, etc.)
- Compréhension des logiques algorithmiques
- Capacité à collaborer avec des systèmes intelligents
2. La fin des formats longs : micro-certifications et apprentissage agile
La durée d’attention diminue, les opérationnels sont surchargés, les cycles de compétences se raccourcissent. Face à ces constats, les entreprises africaines misent de plus en plus sur des parcours courts, certifiants et ciblés. Les « micro-credentials » deviennent un standard dans les dispositifs RH.
D’après Africa.com, cette approche permet de combiner montée en compétence rapide et mobilité interne accrue. Elle répond aussi aux attentes des jeunes talents, qui cherchent des preuves concrètes de leurs acquis.
Les formats qui montent :
- Modules de 2 à 5 jours avec validation des acquis
- Certifications techniques via des partenaires éligibles (Cisco, PMI, ITIL, Google, etc.)
- Plateformes LMS adaptées au mobile
- Intégration de badges numériques
3. Cybersécurité : du simple bon sens à la maitrise avancée
Chaque semaine, les grandes entreprises africaines sont confrontées à des tentatives d’intrusion, d’usurpation ou de ransomware. Dans des contextes de digitalisation massive, la cybersécurité devient une priorité transversale.
La formation ne concerne plus uniquement les DSI : elle touche également les fonctions RH, finance, commerciale, juridique. Des campagnes de sensibilisation systématiques sont mises en place, complétées par des modules dédiés aux administrateurs réseaux, analystes sécurité, chefs de projet IT, etc.
Contenus clés à intégrer :
- Hygiène numérique (mots de passe, phishing, sauvegardes)
- Normes et conformité (RGPD, ISO 27001)
- Pentesting et réponse à incident
- Sécurisation des environnements cloud / hybrides
4. Le tournant vert : des compétences pour la transition écologique
Alors que les politiques publiques africaines intègrent progressivement les enjeux climatiques, le secteur privé suit le mouvement. Energies renouvelables, éco-conception, gestion de l’eau, recyclage, reporting ESG : de nouveaux métiers apparaissent, d’autres se transforment.
Un rapport de Reuters rappelle que combler le déficit de main-d’oeuvre qualifiée est crucial pour réussir la transition verte du continent.
Compétences à développer :
- Maintenance de panneaux solaires, pompes solaires, onduleurs
- Détection et mesure des impacts environnementaux
- Calcul d’empreinte carbone
- Pilotage de projets énergies renouvelables
5. Soft skills, leadership et gestion du changement
La compétence technique ne suffit plus. Pour mobiliser les équipes, piloter des projets hybrides, assurer une relation client de qualité ou prendre des décisions en environnement complexe, il faut aussi maitriser les compétences comportementales.
Les entreprises africaines introduisent dans leurs plans de formation des modules sur :
- La communication interpersonnelle
- Le leadership situé
- La gestion des émotions et du stress
- La posture managériale à distance
C’est une réponse à la fois à la généralisation du travail hybride et à l’évolution des attentes des salariés post-COVID.
6. Digitalisation des parcours et accessibilité locale
Le défi est double : proposer des contenus de formation digitaux, tout en tenant compte des réalités locales (infrastructure, langue, accès mobile, coûts).
Les plateformes LMS, les classes virtuelles et les outils de formation mobile-first se démocratisent. Mais leur efficacité repose sur un élément clé : la contextualisation des contenus.
Bonnes pratiques observées :
- Traduction en langues locales ou en français simplifié
- Intégration de cas pratiques issus du tissu économique local
- Vidéos courtes adaptées aux connexions faibles
- Suivi tutoré même à distance
Vers un modèle de co-construction public/privé
Enfin, les entreprises ne forment plus seules. Les partenariats se multiplient avec les ministères de l’emploi, les agences nationales de formation, les incubateurs et les universités. Le modèle dominant : co-construire des parcours adossés à un besoin réel du marché.
Des exemples notables :
- UM6P (Maroc) et ses partenariats industriels
- Le programme Smart Africa Digital Academy
- Les hubs de formation Cisco Networking Academy dans 40 pays africains
Ces dynamiques permettent une meilleure insertion des jeunes diplômés et une adaptation continue des compétences.
Pour conclure
La formation professionnelle en Afrique entre dans une nouvelle ère : plus technique, plus flexible, plus verte, plus locale. Les entreprises qui anticipent ces transformations en investissant dans les bons parcours formeront les talents de demain, capables de faire face aux défis économiques, technologiques et climatiques.
Pour les acteurs de la formation, le message est clair : il faut être agile, ancré, et stratégique.
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